Peut-on encore, en France, éviter une récession ?

A Antibes. Une photo de Reuben Mcfeeters, de Belfast.

La réponse est non. Conséquence d’une conjonction de facteurs dont la Guerre en Ukraine, nous ne pouvons plus éviter la récession en France. En voici les raisons.

Notre économie productive est trop dépendante de tout : à chaque tonne de matière première – plastique, gaz, pétrole, aluminium, cobalt, nickel, café… – que nous faisons venir de l’extérieur sauf le lait et le blé, à chaque composant électronique qui rentre sur le territoire pour y être assemblé lorsque ce n’est pas un produit électronique fini qui arrive, à chaque logiciel anglais, belge ou américain acheté par nos entreprises, à chaque machine japonaise, tchèque ou allemande commandée, l’argent sort de l’hexagone par milliards chaque jour pour n’y rentrer à nouveau épisodiquement, lors de l’achat de produits de luxe ou de séjours hôteliers pour congrès ou vacances.

Si notre déficit commercial n’est pas nouveau, son accélération ne l’est pas non plus. Les remèdes (nos startups devenues scale-ups qui à leur tour s’internationalisent et séduisent une clientèle internationale, la stratégie de réindustrialisation initiée avec la crise du COVID, les programmes de réinvestissement de nos ETI et grandes entreprises fortes des CAPEX non déployés issus des réserves constituées pendant la pandémie et les difficultés à recruter des talents, l’éducation et la formation,…) existent et sont clairement identifiés.

Mais la récession, c’est autre chose. L’arrivée d’une période de récession économique est propulsée par le retour de l’inflation, conséquence directe de deux crises :
– les séquelles du COVID en matière de facture des importations (multiplication par 6 des coûts du transport maritime, pénurie de composants électroniques à l’échelle mondiale avec le facteur aggravant que les grands constructeurs automobiles et informatiques préemptent la moindre nouvelle production de composants) ;
– la guerre en Ukraine dont nous allons parler.

La réalité de la fuite des devises de l’hexagone est exacerbée par la guerre en Ukraine. La guerre en Ukraine nous rappelle notre dépendance – contenue grâce au nucléaire – aux industries d’extraction russes, comme l’arrêt du transport maritime nous eut montré que nos propres usines d’assemblage se mettent à l’arrêt lorsque les usines de fabrication chinoises sont dans l’incapacité de nous livrer.

Le plus grave, c’est que d’autres autocraties comme la Chine et l’Iran observent avec intérêt les difficultés qu’ont les Occidentaux à sanctionner la Russie d’un embargo.
Par exemple, l’Allemagne, pour des raisons de dépendance économique, ne peut s’interdire de commander du gaz russe. Quant au pouvoir hongrois favorable à Poutine, il pèse pour bloquer les décisions de l’Union Européenne et pour ralentir les livraisons d’armes à l’Ukraine.
Quelque part, la Chine a forcément déjà fait le calcul qu’une invasion de Taiwan ne rencontrerait en guise de seules représailles que des discours offusqués de la part des chefs d’Etat occidentaux dont les économies sont de toutes manières dépendantes et dont les conséquences sociales d’un boycott des importations chinoises fragiliserait trop le pouvoir en place pour être envisagé.
Ces facteurs d’incertitudes engendrent l’apparition de nouveaux risques géopolitiques, et ces risques, les entreprises les provisionnent forcément, au moins partiellement, dans leurs comptes en anticipation de leur éventuelle réalisation. Cette création de provisions ralentira le déploiement de capitaux (et donc la modernisation de l’outil de production, et donc la création d’emplois, et donc l’innovation) et diffèrera la création de valeur dans nos économies.

Voilà pourquoi, selon moi, nous ne pouvons plus éviter une entrée en récession. Si Macron est élu demain, celle-ci ne durera qu’une seule année voire deux – Emmanuel Macron ayant déjà su définir et affirmer une stratégie industrielle et numérique pour la France. En 2021, témoin de son attractivité, plus de 1.600 projets d’investissement étrangers ont choisi la France, dont 297 projets allemands qui font de l’Allemagne notre premier « client ».

Les investissements allemands s’arrêteraient net si Le Pen était élue.
Si Marine Le Pen était élue, la récession durerait au moins une décennie (soit les durées conjuguées de son mandat et du suivant) : la défiance des institutions européennes vis-à-vis de notre pays serait telle que nous ne pourrions plus nous appuyer sur le collectif européen pour aller défendre des positions communes et aller chercher des décisions favorables à nos territoires (comme par exemple la réforme du taux minimum d’imposition de 15% sur les multinationales, dite « taxe GAFA »).
Notre isolement politique fragiliserait notre économie en tant que destination touristique, l’image de nos marques de luxe et de nos vins, nos entreprises dans leur quête de conquête commerciale à l’export et d’attraction des talents, et frapperait donc très sévèrement la pérennité de nos emplois.

C’est pourquoi, demain, dans notre intérêt à tous, je vous invite à aller voter pour Emmanuel Macron.

La nouvelle économie de la rareté

Anvers

Le passage d’une économie de l’abondance à une économie de la rareté dans le monde post-pandémie Covid nous rappelle, n’en déplaise aux séditieux de tous bords, que nous ne vivons pas dans l’économie globale financiarisée que dénoncent les démagogues, mais bien dans un monde où les mouvements de choses et de personnes constituent le moteur de la performance économique des entreprises.

Nous évoluons déjà dans une économie de la rareté sur au moins 3 aspects :
– un déficit de flux ;
– un déficit de biens ;
– un déficit de talents.

Ces trois difficultés à s’approvisionner, combinées à un déficit d’offre, face à une demande augmentée de l’épargne dormante des consommateurs dopée par plusieurs mois de confinement, engendre une pression inflationniste mondiale qui, partout, perturbe les entreprises industrielles. J’en suis le témoin chez Welcomr, où, par exemple, 100% de nos fournisseurs de mécatronique nous ont annoncé cet été, avec quelques semaines de préavis, des hausses de prix allant de 3% à 10%.

Mais d’où vient ce triple déficit ?

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Le déficit de flux est une conséquence directe de la propagation du virus Covid.
Le confinement de la majorité des économies mondiales pour des durées indéterminées en 2020 a engendré la mise à l’arrêt de nombreux navires par les armateurs.
Cependant, leur remise à flot plus rapide que prévue n’a pas pu être immédiate, tous les navires nécessitant des maintenances et des réparations qui – par définition – ne peuvent avoir toutes lieu en même temps et au même endroit. Par ailleurs, ces mêmes incertitudes ont conduit ces armateurs à remettre en question les calendriers de livraison de nouveaux navires.
D’autre part, le virus Covid lui-même ralentit certaines opérations en mer : prenons l’exemple du Port d’Anvers qui est le second port européen derrière celui de Rotterdam. Le Port d’Anvers se situe dans l’hinterland, c’est-à-dire que contrairement à celui de Marseille ou du Havre, il n’est pas directement sur la mer mais nécessite que les navires empruntent des chemins navigables, parfois étroits, pour jusqu’aux quais dotés des équipements nécessaires à la rupture de charge. Donc, comme ces voies sont étroites, elles nécessitent un certain tour de main, une expertise qui historiquement a justifié la constitution par la capitainerie du Port d’Anvers d’une brigade de commandants à résidence, c’est-à-dire salariée de l’autorité portuaire, commandants qui sont dépêchés par vedette sur les supertankers, les porte-conteneurs, les vraquiers et autres minéraliers dans le but de réaliser, en lieu et place du commandant de bord titulaire du navire, les manoeuvres de circulation nécessaires jusqu’à l’arrimage. Imaginez donc qu’en cas de contamination au Covid de l’un des capitaines du Port d’Anvers, c’est toute la brigade qui est « cas contact », et donc le Port d’Anvers tout entier qui se retrouve paralysé. Avec les conséquences que l’on imagine sur la file d’attente des cargos à l’entrée du Port, et les retards de livraison en cascade qui en résultent. Avec une marine marchande qui compense doublement le manque à gagner sur les prix d’affrètement des conteneurs : celui des bateaux retardés par ce genre de perturbations, et aussi celui lié aux cargos cloués au sol par les problèmes de remise en état et les retards de livraison des nouveaux navires afférents.
A cette crise capacitaire du transport maritime s’ajoute des perturbations dans le fret aérien. Vous savez comme moi que chaque avion dédié au transport de voyageurs comprend un compartiment dédié aux colis et au courrier. Or, le transport de voyageurs étant loin de ses niveaux de 2019, et les avions cargo opérationnels étant déjà tous mobilisés, la demande en affrètements par voie aérienne – en partie comme une voie de repli aux difficultés du transport maritime – dépasse largement la demande, ce qui n’aide pas !

Le déficit de biens est quant à lui une conséquence indirecte de la crise sanitaire. Chose rarissime dans l’histoire économique, la plupart des entreprises, partout dans le monde, ont pris, exactement au même moment, la décision d’augmenter leurs niveaux de stocks de sécurité. En conséquence de quoi, la loi de l’offre et de la demande a naturellement engendré une hausse des prix. Sauf qu’à niveaux de production constants (car déployer des machines-outils et des techniciens pour les opérer dans de nouveaux locaux d’activité ne se fait pas en un jour), la hausse des prix est entretenue par des pénuries qui touchent tour à tour toutes les catégories d’achat. L’ambiance pénurique est accélérée par la décision de la Chine d’augmenter les stocks stratégiques des entreprises dont l’Etat est actionnaire à deux années – ainsi que l’avait révélé le Nikkei Asian Review pour la firme Huawei par exemple fin mai 2020 qui s’est constituée des stocks de puces américaines pour deux ans.
Ensuite, en ce qui concerne la crise des semi-conducteurs et des puces, la crise sanitaire a engendré plusieurs accélérations dont celle de la diffusion des usages numériques, qui a pour conséquence directe l’augmentation du taux d’équipement des ménages et des entreprises en objets informatiques (ordinateurs, tablettes, smartphones, et autres objets connectés). Or, augmenter la capacité de production de tels composants nécessite une certaine ambition commerciale, prend du temps et nécessite des investissements que des entreprises embourbées dans de complexes opérations de remise en état de bon fonctionnement des lignes et des cadences de production n’étaient pas encore en mesure de réaliser.
Enfin, la pression inflationniste sur les flux physiques, que nous avons expliquée précédemment, rend le transport de certains matériaux pondéreux, tels que le bois ou le carton, peu rentable comparativement à d’autres biens à plus forte valeur ajoutée favorisés par les transporteurs, ce qui entraîne une pénurie dans l’approvisionnement de pondéreux facile à expliquer mais difficile à résorber.

Le déficit de talents sera quant à lui le serpent de mer du XXIème siècle. Il était lancinant avant que n’existe la crise Covid, en particulier dans les profils techniques (ingénieurs, techniciens), scientifiques (et pas seulement dans la santé) et commerciaux, mais il est exacerbé par l’apparition du télétravail. Pourquoi ? Tout simplement car le télétravail permet aux entreprises les plus puissantes d’aller chercher des talents dans les contrées les plus reculées, et donc d’instaurer une concurrence nouvelle aux employeurs nichés dans des bassins d’emploi autrefois protégés par leur distance aux métropoles ou par leur enclavement. Le télétravail nécessite une organisation par processus documentés qui favorise les entreprises qui disposent d’un middle-management. Le télétravail est donc mécaniquement plus néfaste aux PME-PMI et aux ETI, où les relations informelles contribuent à la qualité, dont les effectifs affectés aux fonctions non productives sont mathématiquement plus ténus que dans les grands groupes qui sont organisés autour d’un management intermédiaire.
Deux tendances me donnent toutefois de quoi entretenir un certain optimisme : primo, l’émergence de l’intelligence artificielle pour rendre les talents qui sauront l’utiliser à bon escient plus productifs ; deuzio, le formidable coup de boost au e-Learning qu’a donné la Covid à nos pratiques. L’offre existait depuis deux décennies mais avait du mal à percer. La Covid a ancré les usages du e-Learning dans nos quotidiens, semble-t-il définitivement. Sur Internet, on trouve de quoi se former à tout, y compris gratuitement. C’est une chance inouïe et inédite, y compris pour redonner à l’ascenseur social une réalité et enterrer définitivement l’expression de fracture numérique.

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En conclusion, soulignons que le lecteur attentif n’aura pas manqué de relever que dans le titre de ce blog post, « l’économie de la rareté », il y a un jeu de mots : nous entrons dans un cycle économique semé de difficultés de sourcing de composants comme de talents, nous les avons largement commentés, mais nous avons également l’opportunité de faire l’économie de cette rareté.
Par faire l’économie de cette rareté, nous entendons qu’il est possible de minimiser le coût de cette rareté. Comment cela ? En accélérant notre transition environnementale et sociale. Cela suppose un plan dont l’exécution comprend a minima ces trois actions :
– des re-conceptions de produits en évitant les terres rares, les métaux critiques et les matériaux trop exposés aux variations des prix des matières premières tels que le sont les polymères,
– des chaînes logistiques redondées où le train (ex. les nouvelles routes de la Soie) peut prendre le relai du bateau et réciproquement, ou, quand cela est possible, des circuits plus courts voire locaux , et où des composants peuvent être substitués à d’autres en cas de nécessité,
– et enfin, une implication accrue des décideurs en entreprise dans les relations avec les organismes de formation de proximité avec leurs centres de production (bureaux, agences, usines, entrepôts,…). En effet, les relations avec le monde académique sont devenues plus stratégiques que jamais à l’aune des difficultés généralisées de recrutement à l’échelle mondiale et du développement du télétravail.

Covid-19 : ce qui ne tue pas rend-il plus fort ?

Un grand merci à Lucrezia Carnelos pour la photo d'illustration ; retrouvez son travail ici : https://unsplash.com/@ciabattespugnose

Quelle claque elle nous met cette pandémie ! Pour les familles des défunts, c’est d’une tristesse… C’est soudain, inexplicable, imparable. Il est dangereux de les accompagner dans leurs derniers souffles, interdit de se rassembler pour les pleurer. Pour eux et pour les autres : vivons-nous l’avatar post-moderne de ce qu’était une guerre totale contre un ennemi invisible, avec son champs de bataille, ses morts et ses infirmeries ? LE moment de vie que l’on racontera à nos petits-enfants lorsqu’ils nous demanderont si nous y étions ? Personnellement, je m’attendais et me préparais à vivre un jour le 11 septembre du cyber-terrorisme, ou encore la naissance d’une Guerre Froide entre les complexes militaro-industriels chinois et états-unien, ou enfin un clash des civilisations musulmanes vs. judéo-chrétiennes suivant les brillantes prédications de Samuel Huntington. Mais non. Ce sera beaucoup plus romantique. Le coronavirus, dont je pensais il y a une semaine encore qu’il n’était qu’une éphémère émanation darwinienne, se révèle menacer toute l’espèce humaine. Ses contaminés se comptent en millions, ses morts par dizaines de milliers.

Nous sommes face à un objet biologique non identifié, qui défie tous les systèmes immunitaires, qui nous rappelle l’extrême vulnérabilité du corps humain. C’est comme si la Planète avait eu besoin de s’auto-réguler en forçant l’arrêt de la machinerie humaine, pour que le carburant s’arrête un peu de brûler, que les avions cessent de voler, que les eaux de Venise redeviennent claires au point d’attirer à nouveau le poisson – après tout ce temps. C’est comme si l’inventeur du jeu vidéo des dix dernières années nous disait : « Je vous ai envoyé l’Etat Islamique, les missiles nord coréens, le nucléaire en Iran, le Rana Plaza, le protectionnisme, les populistes un peu partout, les néo-nazis, la dette grecque, les migrants, le Brexit, mais malgré cela vous n’avez pas su saborder votre croissance qui aurait porté de manière imminente d’irrémédiables dommages à vos écosystèmes. Voici donc le Bowser, le big boss, le cygne noir du jeu vidéo de la dernière décennie : le virus tueur Covid-19. Il se prend à votre propre jeu de la mondialisation : il se transmet par échange humain. Il aura votre scalp et la peau vos économies. Bonne chance. »
Une version « Stratégie Océan Rouge » de « The World is Flat ». Un cauchemar, en tous cas pour ceux qui, comme moi, mes parents, mes enfants, n’ont pas connu la guerre.

Alors, ce qui ne tue pas rend-il plus fort ? Pré-Coronavirus, je préférais à cette maxime de Friedrich Nietzsche du tome l’Ecole de Guerre de la Vie (tiens tiens…) du chef d’oeuvre Le Crépuscule des Idoles (tiens tiens…), l’archi-connue ‘Expérience is the name everyone gives to their mistakes‘ d’Oscar Wilde. Mais quelle fut notre erreur ? A-ton fauté ? Pêché d’hubris au point qu’il fallu nous punir pour nous rappeler à la fragilité de notre condition humaine ? Vanité divine ? La chose m’intéresse : qui pouvait dire qu’il avait vu la balle venir ? Qui s’était préparé même un tout petit peu au tsunami COVID-19 ? La pensée occidentale permet-elle même d’anticiper un tel événement ? Plein de questions, pas de réponse. Comme en football, à la fin c’est l’allemand qui gagne.
Regardons donc plutôt, pour ceux qui subsistent, si nous sommes plus forts. Sur deux plans. Un premier social, un second économique. Même si, cela va de soi, les deux s’entremêlent.

Sur le plan social, la crise sanitaire actuelle nous rendra sans doute plus forts. Les fonctions vitales au fonctionnement de notre Société sont finalement celles qui ont l’autorisation de circuler physiquement : les professionnels de santé (infirmières, médecins,…) et de salubrité publique (ramassage des poubelles, traitement des déchets), les enseignants, les pompiers, les agriculteurs, les salariés des industries agro-alimentaires et de la chaîne du froid, du traitement et de la distribution d’eau potable, les commerçants de biens de première nécessité, les transporteurs du bout du monde comme du dernier kilomètre, les techniciens de l’urgence (plomberie, électricité, chaufferie-ventilation-climatisation…), les ouvriers du bâtiment car il faut plus que jamais se loger, les militaires et les douaniers pour fermer les frontières, la police pour faire respecter l’ordre, les journalistes, les banquiers, les scientifiques bien sûr, j’en oublie plein. Les autres, et bien, on a beau créer des emplois, la vie nous montre que nous sommes une caste inférieure dans la pyramide de Maslow inversée, qui se veut extraire la substantifique moelle de l’intérêt général. Ce n’est pas un jugement de valeur mais un constat. Oui, ce constat fait voler en éclats notre orgueil, ce constat nous remémore la nécessité de l’enthousiasme, de la passion, de l’ambition dans l’exercice de nos métiers qui occupent les journées de notre seule et unique vie, mais, plus important, ce constat influencera l’ensemble des réformes sociales qui seront pratiquées partout dans le monde pendant des décennies. La pénibilité n’est plus chez les conducteurs de locomotives, mais chez ceux que l’on n’entend jamais : les brancardiers. Et si à l’incapacité des bénéficiaires de privilèges à céder à l’évidence succédait un élan de solidarité réformateur ?

Sur le plan économique, nous sortirons affaiblis de la pandémie à court et moyen terme.
A court terme, sauf à sortir du confinement sous quinzaine, je ne vois pas comment la précarité ne gagnerait pas ceux qui vivent le plus chichement : les chauffeurs de taxi, le personnel d’entretien de l’immobilier tertiaire (bureaux, administrations), les gérants de cafés, les professionnels du tourisme, les organisateurs d’événements, les intermittents du spectacle,.. La liste serait trop longue. L’Etat va logiquement s’endetter pour soutenir les plus démunis. C’est son rôle. Mais aussi pour subvenir aux besoins de trésorerie de 99,9% des entreprises. Ce qui donnera naissance à un cycle long de pressions fiscales haussières, difficilement soutenable dans notre pays ; autre solution : changer radicalement de modèle, avec le risque immense de créer un boulevard aux extrémités politiques. Compliqué.
A moyen terme, petit calcul pour la France : l’économie française s’est arrêtée grosso modo le 15 mars 2020. Mettons que la période de confinement dure… 4 mois (et je suis généreux : elle fut de 3 mois dans la province de Hubei en Chine qui compte pas loin de 60 millions d’habitants, dont le système politique qui a mille défauts mais l’immense avantage de garantir un respect autrement plus orthodoxe des consignes). Cela nous mène au 15 juillet. Arrive août donc vacances. Puis la rentrée. L’économie repart – doucement car dans quel état sera-t-elle ? – le 15 septembre. C’est une demi-année de perdue, à un optimiste 40% d’activité, soit un PIB 2020 en baisse de 30% sur 2020. Allez, va pour une récession de 20% à 25% grâce aux effets d’aubaine en fin d’année. Un sacré coup d’accordéon qui nous demandera trois, quatre années de rattrapage. Et dire qu’il y a quarante-huit heures, malgré la formidable alerte de la main invisible des marchés financiers, je croyais encore ce que je lisais dans la Presse, à savoir que les prévisions de croissance pour 2020 passaient de 2% de croissance à 1% de croissance…
A long terme en revanche, trois bénéfices incommensurables :
– la notion de risque sera pour longtemps mieux appréhendée par l’ensemble de la population. Le risque, ce n’est autre chose qu’un rapport entre volatilité et rendement. Les amateurs d’investissements comprendront mieux pourquoi 3% de rendement annuel dans la pierre sont moins risqués que 8% dans un indice boursier, ou que 15% dans une société non cotée. Pourquoi un locataire AAA négocie plus son loyer qu’un autre. Pourquoi il est logique que les fonctionnaires, qui bénéficient de la sécurité de l’emploi, gagnent mécaniquement moins que dans le privé, où il est possible de perdre sa place. Ou encore que les salariés qui bénéficient de la protection sociale s’enrichissent potentiellement moins que les mandataires sociaux qui ne touchent pas le chômage en cas de difficulté ;
White is the New Black! des métiers relativement désaffectés aujourd’hui (les dorénavant usual suspects : professions médicales, sciences, pompiers, techniciens du bâtiment, agri-business, ville durable, services à la personne, enseignants,… etc.) gagneront durablement en prestige, en notoriété, et donc en attractivité ;
– les entreprises travailleront sur leurs chaînes d’approvisionnement pour les rendre moins dépendantes, plus résilientes, et sur leurs organisations pour en augmenter la flexibilité et l’adaptabilité. Au mythe de l’entreprise agile succèdera celui de l’entreprise maligne.

Pour quand une version mutante du virus fera surface ?

WeWork : de la bulle à la bosse

Je me sens un peu obligé d’y aller de mon point de vue sur ce que l’on pourrait appeler ‘l’affaire WeWork’ car, dans mon quotidien chez Welcomr, la startup passionnante que j’ai rejointe en mars pour créer de nouvelles expériences d’accès aux lieux, je suis amené à rencontrer un très grand nombre de professionnels de l’exploitation immobilière. Il s’agit par exemple de gestionnaires de lieux de travail flexibles, ou flex office, en colère de voir leur image éclaboussée par le scandale, d’investisseurs institutionnels dans les bureaux inquiets pour la valeur vénale des actifs qu’ils ont en portefeuille, ou encore de directeurs immobiliers de grands groupes soucieux de ne pas voir leurs directions générales ralentir les projets internes consacrés au flex office.

Je dois notamment partager trois conclusions selon moi difficilement contestables :
primo, c’est avant tout une crise de gouvernance qui a touché WeWork ;
deuzio, par voie de conséquence, les fondamentaux du modèle du flex office ne sont pas impactés ;
tertio, la chute éventuelle de WeWork aurait des conséquences marquées sur le marché de l’immobilier de bureaux aux Etats-Unis, mais un impact relativement indolore en Europe.

C’est une crise de gouvernance qui a touché WeWork

Il y a encore quelques semaines, alors que WeWork lançait le road show qui devait la conduire à s’introduire en Bourse en même temps qu’elle aurait opéré une augmentation de capital conséquente, ses actionnaires espéraient valoriser l’entreprise à 104 milliards de dollars. Aujourd’hui, WeWork a émis des actions à une valeur de 8 milliards de dollars auprès de son actionnaire historique, le conglomérat SoftBank et son bras armé dans l’investissement dans la technologie VisionFund. Soit une division par treize de la valorisation, engendrée par une confrontation de WeWork avec les marchés.

Indéniablement, cet épisode est une victoire pour les marchés financiers, à l’heure où l’utilité de ces derniers est régulièrement remise en question par les gouvernements populistes. La « main invisible », selon l’expression d’Adam Smith, a fait son oeuvre : les nombreux observateurs invités à émettre un avis sur le dossier enregistré auprès de la SEC – qu’ils soient journalistes, avocats, banquiers, auditeurs, investisseurs, concurrents, fournisseurs, clients – ont relevé de graves dysfonctionnements dans la gouvernance de l’entreprise, qui ont conduit à un retrait du projet d’IPO et au départ de son fondateur Adam Neumann.

Parmi ces dysfonctionnements, des désalignements d’intérêt évidents, comme à New York ces baux signés bien au-delà des valeurs de marché sur des actifs possédés par le fondateur, ou encore carrément de la cuisine comptable, avec à Londres des ventes intra-groupe afin de faire apparaître des plus-values immobilières dans les comptes. Le dégonflement de la valorisation de WeWork est principalement lié à une crise de gouvernance, dont la conséquence était la décorrélation de sa valeur avec ses comparables.

Les fondamentaux du modèle ne sont pas impactés

Les modes de travail ont changé. Il est normal que les lieux de travail changent aussi. Contrairement à la perception du grand public, les grands clients des acteurs du flex office ne sont pas, en budget, les free-lance, mais des grands groupes à la recherche de plateaux de plusieurs centaines de postes de travail clé-en-main. Ces plateaux doivent permettre d’attirer et de retenir les talents, et surtout on en a besoin tout de suite et maintenant, donc il n’y a pas le temps de faire appel à des aménageurs. C’est précisément sur cette anticipation de l’appréciation de la demande que les entrepreneurs de l’industrie du flex office ont fondé leur expertise. Ces derniers préemptent des lieux où ils ont la conviction qu’il y aura une demande soudaine pour un produit dont ils auront préalablement deviné les contours. L’incapacité d’autres acteurs à offrir à un instant t une réponse qualitative à un tel besoin leur donnera la possibilité d’exiger une double prime de flexibilité et de disponibilité immédiate. Les autres clients des opérateurs de flex office, ce sont les startups qui grandissent si vite qu’elles doivent adapter leurs espaces de travail d’une année à l’autre et qui du coup ne trouvent pas facilement de réponse adéquate à leurs besoins dans l’offre de baux traditionnels.

Tels sont les fondamentaux qui sous-tendent l’apparition de l’industrie de l’immobilier flexible. Les fondations du flex office sont le fruit de mutations sociales profondes que sont l’apparition du cloud computing, le télétravail, le mode projet, l’augmentation générale du coût de l’immobilier qui rend absurde l’idée d’utiliser une grande salle de réunion et non une bulle téléphonique pour passer son coup de fil, et surtout la guerre mondiale des talents qui a fait de la qualité des bureaux un argument massue de compétitivité. Les problèmes de WeWork ne les remettent aucunement en question, au contraire : si cette industrie n’était pas autant scrutée par les dirigeants soucieux de l’attractivité de leurs lieux de travail, alors la caisse de résonance du scandale n’aurait sans doute pas été aussi profonde.

Vous aurez remarqué que je distingue le coworking, qui repose sur la notion de proximité et de convivialité dans des lieux qui ont pignon sur rue, du flex office qui s’intéresse aux plateaux ou aux immeubles de bureau. Le premier s’analyse au travers du prisme des équations du commerce, voire du CHR (cafés, hôtels, restaurants) et leur succès est souvent corrélé aux flux de passage devant la devanture, ou à un positionnement communautaire (ex. sectoriel) bien articulé. Le second, quelque part réinventé par WeWork et dont l’ancêtre est le centre d’affaires, doit son succès à sa capacité à répondre aux exigences des startups de croissance et aux grands corporate en matière de qualité de service et de plug and play (débit télécom, confort, sécurité,…). 

La chute de WeWork n’aurait pas d’impact en Europe

WeWork a capté la moitié de l’offre de bureaux à New-York en septembre 2019. Sur l’ensemble de l’année 2019, WeWork représente environ 30% des prises à bail d’immeubles de bureaux ! Ces chiffres sont massifs et pourraient laisser penser à la possibilité d’une crise de l’immobilier de bureau sans précédent en cas de faillite de WeWork. Sauf que les lieux bénéficient souvent d’un taux de remplissage très élevé, d’un aménagement haut de gamme, et que leurs murs sont souvent la propriété d’institutionnels du bureau capables de reprendre en main l’exploitation, ou bien d’en confier la gestion à des exploitants qualifiés. A mes yeux, la liquidité des actifs WeWork est donc certaine. En Europe, où le déploiement d’unités est est beaucoup plus mesuré, les paramètres – remplissage, qualité, liquidité – sont les mêmes. Il n’y a donc selon moi aucune inquiétude à avoir de ce côté-là.

L’étrange été de Monsieur « i »

Les taux d’intérêt mondiaux passent décidément un été inhabituellement mouvementé.
Après la BCE, la Federal Reserve Bank américaine a baissé ses taux directeurs pour la première fois depuis la crise de 2008, suivie depuis par les banques centrales indienne, thaïlandaise et néo-zélandaise.

La signification que les économistes donnent à ce mouvement est classiquement que leur anticipation est au ralentissement, et du coup, qu’en réduisant le coût du crédit, les banques centrales stimulent naturellement l’endettement des agents économiques, et donc leurs investissements, et donc la prise de risques.

Justement, cette fois-ci, mon avis est qu’en raison du contexte, d’une part cette baisse ne sert à rien pour les agents économiques du secteur privé – premier risque – et d’autre part elle génère le risque contraire, à savoir que ce soient les Etats qui s’exposent à la certitude, littéralement, de voir leur dette exploser lorsque les taux remonteront – second risque.

Premier risque : trop d’incertitudes politiques pour favoriser les investissements des entreprises

Le Brexit, la guerre commerciale et monétaire Chine-USA, ce qui se passe à Hong-Kong, l’Iran toujours… Ce sont autant d’incertitudes politiques qui ralentissent le déploiement de capitaux par les décideurs américains aujourd’hui mais qui n’auront plus lieu d’être en octobre : on en saura plus alors sur la réalité des injonctions de Boris Johnson quant à la sortie anglaise à tout prix de l’UE, et les Etats-Unis et la Chine auront repris le cours de leurs négociations en septembre avec des dispositions forcément plus amicales qu’auparavant en ayant fait le constat que leurs entreprises respectives ont besoin de visibilité sur la stabilité politique du monde et de confiance en l’avenir pour investir sur le temps long dans leur appareil productif.

Donc taux plus bas ou pas, tout au mieux la baisse des taux récente de la Fed favorise-t-elle une renégociation des conditions de crédit des entreprises états-uniennes avec leurs banques, mais sans doute pas l’allocation de nouvelles lignes de crédit et donc de production.

Et derrière, ce sont autant de machines allemandes, italiennes ou japonaises pas achetées par les usines américaines, autant de commandes de composants taïwanais ou chinois pas passées, autant de matières premières africaines ou sud-américaines non importées, et autant de sociétés de services indiennes ou françaises qui ne sont finalement pas mandatées.

Second risque : un dérapage potentiel des dépenses publiques

Un coût de l’argent attractif entraîne une propension plus grandes des Etats à l’endettement : cet effet pervers agit, parmi les leaders des Etats dont les niveaux d’endettement vont déjà au-delà du raisonnable, comme un véritable révélateur de mauvais gestionnaires.

Prenons quelques exemples :
– La dette italienne représente 135% de son PIB alors qu’une des règles de l’Union Européenne est que la dette ne doit pas dépasser 60% du PIB d’un membre. L’UE ne sanctionne toujours pas, alors que, manifestement, les gouvernements italiens successifs n’ont pas fait ce qu’il fallait pour résorber le déficit public – au contraire de l’Irlande, du Portugal, de l’Espagne, et dans une moindre mesure, de la Grèce, où la gestion fut beaucoup plus rigoureuse et efficace.
– La France compte quant à elle autant de dette que de PIB, mais les taux s’abaissant, la charge de la dette diminue, laissant apparaître au budget des chiffres flatteurs alors que la baisse du service de la dette par rapport à ce qui était projeté crée un effet d’aubaine qui masque la réalité de l’augmentation des dépenses publiques. Soit un bien triste témoignage de notre incapacité à nous réformer. Dit autrement, de notre manque de courage politique au-delà des grands discours.

Mais que se passera-t-il lorsque les taux remonteront ? Et bien non seulement il sera trop tard pour réformer, car il faudra rembourser, donc collecter, donc prélever. Et surtout il faudra rembourser beaucoup plus, donc collecter plus, donc prélever plus. L’économie mondiale sera alors sujette à récession sachant qu’aujourd’hui on ne peut à ce stade parler que de ralentissement (ex. Etats-Unis), ou de correction (ex. l’Allemagne) suivant l’endroit où l’on se trouve.

C’est d’ailleurs le sens de l’inversion de la courbe des rendements obligataires des titres US à deux ans et à dix ans d’hier, un phénomène qui n’était pas arrivé depuis 2007. Cette inversion des courbes anticipe non pas une crise économique demain matin, mais la certitude, dans les dix-huit à vingt-quatre mois, pour les gouvernements aux politiques budgétaires les moins responsables, de sanctions financières non pas par la Commission Européenne, mais bien par la main invisible du marché qui forcera la remontée des taux – par exemple pour endiguer une inflexion de l’inflation. Les conséquences de ces sanctions seront sociales, donc se traduiront malheureusement dans l’économie réelle par une perte de pouvoir d’achat des ménages des pays les plus endettés. Comme quoi, en prenant la contraposée, une politique budgétaire saine est un bouclier efficace contre le ralentissement de la consommation des ménages.

Is France back?

Photo de Caroline De Souza

Les réseaux sociaux furent le théâtre d’un défilé de hashtags du genre #FranceIsBack #TheOtherStartupNation pendant les mois qui suivirent l’élection d’Emmanuel Macron en 2017. Il est vrai que le terrain était largement préparé : la FrenchTech, c’était lorsqu’il était Ministre de l’Economie sous Hollande. Le CICE, dont les effets sur les comptes des entreprises apparurent dès 2016, c’était lorsque Macron était Ministre aussi. Et puis il y eut l’autre idée magique, après la rupture conventionnelle : la Loi Travail de 2016, qui décomplexe employeurs et salariés. Et enfin l’abolition de l’ISF, qui contribue à réhabiliter l’entreprise et l’envie de réussir économiquement ; car l’IFI taxe le vieil argent, celui de la pierre, et quelque part constitue le dernier rempart contre la constitution d’une bulle immobilière. Donc des mesures qui gagnent sans même compter sur les retombées internationales de l’image renvoyée par un Président jeune et svelte, qui clame son ambition, qui maîtrise l’anglais à la perfection, et qui ne faire guère cas de la différence d’âge inhabituelle avec son épouse.

Pourtant, la FrenchTech, c’est aussi un sujet de railleries de la part de nos concurrents européens, et pas qu’au CES Las Vegas, concurrents au premier rang desquels les Allemands ou les Anglais qui nous voient glousser tout haut des cocorico en faisant des selfies, tout en nous observant nous tirer lamentablement dans les pattes entre nous quand l’heure est venue de remporter des marchés – au lieu de patiemment dérouler le lobbying commercial nécessaire pour gagner en équipe des grands marchés stratégiques à l’export. Le CICE, c’est évidemment un pourboire confortable pour l’ensemble du tissu économique, et évidemment aussi un catalyseur de création ou tout du moins de maintien de l’emploi, mais quelqu’un le paie, et ce quelqu’un, c’est l’Etat. Quant à notre Président, il stigmatise, par son parcours et ses codes vestimentaires comme sémantiques, tout ce que la France d’en bas n’a pas.

Cela a donné, contrecoup d’une mesure de limitation de vitesse absolument anodine pour les citadins dont je fais partie, la crise des gilets jaunes. Triste par le vandalisme qu’elle a causé, contre-productive par les problèmes économiques qu’elle a engendré pour les commerces de centre-ville, inquiétante par les violents discours xénophobes qui y furent entendus, désolante pour notre image dans le monde comme pour notre sentiment d’unité, il n’empêche que son anarchisme a laissé entrevoir une fois de plus que la France comptait de nombreux et profonds problèmes sociaux, enracinés dans dans nos petites villes délaissées par l’industrie : des problèmes d’inégalités, des problèmes d’éducation et de formation, des problèmes de retour à l’emploi, des problèmes d’insertion, bref des problèmes de pérennité de notre modèle social, que je résume brutalement ainsi : Pays des Droits de l’Homme, Terre d’accueil et Etat-Providence.

Cependant… Cependant, sur le terrain de l’économie, force est de constater que ça balance pas mal en France, actuellement :

– la conjugaison d’une petite faiblesse conjoncturelle et politique de l’Allemagne, du Brexit, et du marasme italien, fait apparaître la France plus stable et plus forte que ses grands voisins immédiats – car les économies espagnole et helvétique se portent à merveille – ce qui attire des flux investissements étrangers ;

– crise du logement francilienne aidant, des grandes métropoles de Province (Lyon, Bordeaux, Nantes, Lille, Montpellier, Aix-Marseille,…) se réveillent et s’affirment plus qu’auparavant, bénéficiant d’un solde migratoire positif constitué majoritairement de catégories socio-professionnelles élevées en provenance de Région Parisienne, ce qui a pour effet d’offrir de nouvelles options d’implantation à ces fameux investissements directs en provenance de l’étranger, et donc un ré-équilibrage des prix, notamment de l’immobilier en région, hausses favorables à la création d’un patrimoine par des classes moyennes citadines qui auront eu l’idée salvatrice de recourir il y a quelques années à l’endettement pour accéder à la propriété ;

– alors que nous avons pourtant tous les problèmes du monde à former nos jeunes et nos moins jeunes aux grands défis d’aujourd’hui (le digital, l’anglais) et de demain (l’intelligence artificielle, le chinois), il n’a jamais été aussi difficile pour les employeurs de recruter. C’est d’ailleurs devenu leur problème public #1. Mécaniquement, les courbes du chômage sont à la baisse ;

– sur le plan politique, La République en Marche ne compte pas encore d’adversaire, ce qui a pour conséquence de créer de la stabilité ministérielle et du suivi et de la compétence dans les fait de maintenir le cap sur les grands dossiers de réformes, qui sont le fondement de l’élection d’Emmanuel Macron au-delà de son image. Au premier rang desquels, le plus difficile d’entre eux, celui qui doit rendre l’Etat moins gourmand financièrement pour réduire structurellement notre déficit public abyssal. Cela passe par l’instauration de la méritocratie dans l’administration publique, qui n’a foncièrement pas besoin de 5,5 millions de fonctionnaires lorsqu’on compare son efficacité à d’autres pays. Au deuxième rang de ces grands dossiers de réforme, on retrouve un serpent de mer des gouvernements successifs depuis 1995 : la simplification des régimes de retraite, au nombre de 42. Enfin, la nécessaire viabilisation économique de notre schéma d’assurance chômage, beaucoup trop généreux par rapport une fois encore à nos concurrents, et surtout ni soutenable financièrement en temps de crise (c’est un peu la double peine), ni générateur d’agilité dans les compétences que pourraient développer certaines franges largement employables de bénéficiaires des indemnités de chômage.
Une fois ces trois ressorts activés, le temps viendra de s’attaquer sans ancre flottante à nos deux ralentisseurs en chef : nos charges sociales trop élevées et notre ponction fiscale peu flatteuse.

Et ce n’est pas tout ! Pèle-mêle :
– les banques, même si elles ne gagnent pas bien leur vie aux taux de crédit actuels, compensent leurs faibles marges par le volume avec des vannes bien ouvertes en faveur de l’investissement des entreprises dans leur outil industriel qui était vieillissant. Les gagnants de cette facilité d’accès au crédit relativement nouvelle depuis l’inflation galopante des Trente Glorieuses : les PME-PMI un peu, les ETI bien sûr, et même, phénomène inédit de notre histoire économique, les startups ;
– la croissance est là, enfin pas trop quand même, mais toujours plus que l’inflation ;
– la santé boursière des grandes entreprises est certaine, sans non plus que les valorisations ne soient excessives. Ce qui balaye toute idée d’explosion d’une bulle.

Rien n’est parfait, certes. Mais pour une fois, ça va pas mal, malgré les tensions économiques entre la Chine et les Etats-Unis, les tensions diplomatiques aussi (Iran, Hong-Kong, Taiwan,…), ou les difficultés de couple et de moment, au sens physique, au cœur de l’Union Européenne. Donc il y a de quoi être optimiste si structurellement, Macron parvient à venir à bout de son paquet courageux mais longtemps espéré et d’autant plus nécessaire de réformes, et si sur le plan conjoncturel, la géopolitique ne nous rattrape pas dans le sens qu’une guerre entre les Etats-Unis et l’Iran entraînerait, outre une flambée des prix du pétrole que nous importons massivement, un nouveau vent d’incertitude à même de freiner la dynamique économique actuelle dont on sait malgré tout qu’elle ne saurait perdurer sans une résorption durable de la fracture sociale dans l’hexagone. Sans même évoquer la transition énergétique et écologique que nous devons mener de front.

France is Back. Mais notre gouvernement doit avoir le courage d’aller au bout du chemin pour que plus jamais cette expression n’ait à être employée de nouveau.


Pourquoi j’ai rejoint Welcomr

Après plus de dix ans d’une aventure entrepreneuriale et humaine extraordinaire avec Verteego, et environ neuf mois de gestation de ma future destination professionnelle qui s’annonçait être celle de la création, je me suis associé fin février de cette année à Alexis Gollain, fondateur de l’entreprise Welcomr. Basée à Tours, où elle est née il y a cinq ans, Welcomr est une proptech, c’est-à-dire une startup technologique s’adressant à l’industrie de l’immobilier. Welcomr accélère la digitalisation des exploitants d’espaces collaboratifs de travail et de vie.

Concrètement, Welcomr permet aux utilisateurs de lieux d’ouvrir des portes, des barrières de parking, des casiers ou encore des ascenseurs avec leur smartphone. En se connectant aux systèmes de réservation, Welcomr permet à ses clients de proposer des expériences d’usage complètement nouvelles, ceci de manière absolument sécurisée.

Au-delà d’une rencontre pleine de promesses, de la qualité exceptionnelle de l’équipe que je rejoins et de la maturité technique des produits déjà développés, ce qui m’a convaincu dans l’analyse fondamentale des facteurs exogènes de succès de l’entreprise, c’est l’évidence suivant laquelle Welcomr s’inscrit au cœur des cinq mutations globales, profondes et incoercibles, que sont selon moi :

1. la pénétration du logiciel au cœur de l’ensemble des secteurs économiques : je fais évidemment référence à l’article fondateur ‘Why Software is eating the World’ du capital-risqueur Marc Andreessen dans le Wall Street Journal en août 2011.
Welcomr vient dématérialiser les badges ou les clés dans les entreprises : et quand la dématérialisation s’accompagne d’un surcroît de valeur ajoutée dans l’expérience utilisateurs, on parle de digitalisation. A l’heure où le marché transite d’un modèle de propriété d’un bail vers l’usage d’une prestation de service, nous nous adressons à des opérateurs de flex-office pour leur permettre de disposer d’une colonne vertébrale robuste et interopérable de gestion dynamique de leurs espaces physiques.

2. le ralentissement structurel de la croissance mondiale : autant dans les pays développés que dans les pays émergents, la fête est finie. De nombreux facteurs (démographiques avec le vieillissement de la population, endettement public généralisé qui fragilise les investissements dans les nouvelles infrastructures, raréfaction des ressources naturelles, ralentissement de l’économie chinoise, difficultés d’éradication de la corruption en Afrique…) entraînent l’évidence suivant laquelle les gisements de progrès de nos Sociétés sont transférés par les Etats à leurs entreprises. Les entreprises ont la mission d’améliorer leur compétitivité tout en clarifiant leur raison d’être, qui doit s’inscrire dans un projet sociétal.
J’ai la certitude que présenter 3% de cap rate pour un acteur de l’exploitation l’immobilière n’est pas un fatalité, ou en tous cas qu’il est impossible de se satisfaire de la médiocrité ; j’ai aussi rejoint Welcomr parce-que chaque point de CAPEX rogné, chaque point de productivité gagné, chaque utilisateur impressionné par la qualité de l’expérience fournie – et j’ai la conviction que nous fournissons à nos clients un avantage compétitif certain – permet à chacun de nos clients d’améliorer sensiblement le métabolisme de leur modèle économique.

3. la mondialisation : les entreprises doivent exporter pour rentabiliser leurs investissements. C’est une évidence sauf dans les pures activités de services, et sauf peut-être aux Etats-Unis et en Chine où la profondeur des marchés domestiques accélère la capacité des acteurs économiques à grandir vite, mais ralentit leur processus d’internationalisation. Parallèlement, le web standardise les comportements individuels, pour le meilleur et pour le pire : de New-York à Tokyo, tout est partout pareil, on prend les mêmes métros dans les mêmes banlieues, mais quoiqu’on en dise, les usages des réseaux sociaux forgent la jeunesse, et les multinationales lissent les pratiques de consommation.
Pour Welcomr, la bonne nouvelle réside dans l’impérieuse nécessité pour les startups, fréquemment installées dans des espaces de coworking, de cultiver sur l’ensemble de leurs sites d’implantation une marque employeur suffisamment forte pour attirer les meilleurs. C’est la même chose pour les grands groupes où la qualité de l’environnement de travail devient un critère majeur de rétention des talents. Or, les entreprises qui réussissent s’internationalisent de plus en plus vite, et engendrent une harmonisation croissante dans la manière dont sont utilisés partout dans le monde les bâtiments de bureaux, en raison de la nécessité pour les employeurs de proposer à leurs salariés une expérience de marque employeur homogène d’un site à l’autre. Cette vérité côté utilisateurs transcende la difficulté qu’ont, côté investisseurs, les foncières de bureaux à s’internationaliser, sans doute en raison du caractère intimement local de l’expertise nécessaire pour réussir sur les marchés immobiliers.

4. l’urbanisation : si la ville américaine fait dans la verticalité, la ville européenne et la ville asiatique sont modelées suivant un moule horizontal dont la limite est la frontière politique de l’espace convoité, la commune par exemple. Or, la géographie aidant, l’urbanisation continue de la population mondiale contraint à l’augmentation de la réserve foncière des grandes métropoles et de leurs vassales, transcendant les règles d’urbanisme européennes et asiatiques pour accélérer la verticalisation des villes.
La conséquence est que les bâtiments à opérer sont soit de plus en plus élevés lorsque les plans locaux d’urbanisme évoluent, soit de plus en plus optimisés sur le plan de leur taux d’occupation cible, du coup ils voient leurs capacitaires croître, donc ils sont plus complexes à exploiter. Les exploitants de bâtiments ont ainsi mécaniquement besoin de partenaires technologiques comme Welcomr pour les accompagner dans l’arraisonnement de l’utilisation de leurs surfaces dans l’intérêt de leurs utilisateurs, sans pour autant risquer le moindre compromis en matière de sécurité à une époque où le risque cyber n’a d’égal que la réalité de la menace d’intrusion physique.

5. le développement durable : ma génération est convaincue de la nécessité de réalisation de plusieurs transitions de manière conjuguée ; une transition sociale et numérique, permettant à des populations de se former à des compétences recherchées pour sortir de la précarité alors que l’intelligence artificielle arrive à grande vitesse, et une transition climatique et énergétique, privilégiant la poursuite de la quête humaine du progrès tout en préservant notre terrain de jeu.
Chaque déploiement de Welcomr permet de plus d’économiser les kilomètres de câbles qui auraient été installés pour câbler un lecteur de badges à son unité de transfert que l’on appelle dans le monde du contrôle d’accès UTL, son UTL à sa centrale, et sa centrale à l’unité centrale disposant de son logiciel de programmation de badges, qui eux-mêmes auraient été livrés chaque mois en provenance d’un lointain pays. Cela n’a l’air de rien, mais lorsque ma génération sera aux commandes, et c’est chaque jour un peu plus une réalité, cet argument d’une contribution évidente à un monde plus rationnel accélérera encore un peu plus l’attractivité de l’expérience que nous proposons à nos clients de s’approprier. Le bâtiment et la logistique sont les secteurs les plus intensifs en émissions de gaz à effet de serre : chez Welcomr, nous contribuerons autant à leur sobriété que nous aurons commercialement du succès.

Ainsi que j’ai tenté de vous le montrer, il y au moins cinq raisons structurelles pour lesquelles Welcomr est formidablement positionnée pour faire connaître à ses clients tout le succès qu’ils méritent. Et c’est pour moi, dorénavant, autant de « sens ajouté » tous les matins au réveil.

Abrogeons les jours fériés pour relancer l’économie française !

376666_475469422499871_1915333819_n[1]Non je ne me suis pas spécialement réveillé ce matin en me disant que je me ferais plus d’ennemis que d’habitude aujourd’hui. Mais à force de (re)chercher des recettes de cuisine toutes plus farfelues les unes que les autres, de complexifier le paysage réglementaire de propositions de lois qui seraient peut-être efficaces si elles n’étaient pas immédiatement rabotées ou annulées par une contre-mesure tout aussi ésotérique à l’effet inverse au moindre départ de feu social ou émanant d’un groupe d’influence disposant des leviers nécessaires, et bien nos politiques en finissent par en oublier les fondamentaux : la création de richesses pour le plus grand nombre passe par la réhabilitation du travail, une valeur fondamentale pour certains, un gros mot pour d’autres, un tabou trop souvent. Révolutionnaire, n’est-ce pas ?

Il me semble que je peux capitaliser le temps de ce blog post sur une double légitimité pour évoquer le sujet du travail : primo, je ne suis ni encarté politiquement, ni affilié à aucun mouvement de syndicalisme patronal qui soit, donc ne prêche pour aucune paroisse en particulier ; secondo, je suis confronté au quotidien aux réalités économiques et sociales de mon pays en tant que Président et donc premier commercial de mon entreprise, Verteego, qui vend des services innovants de data management aux entreprises et aux collectivités. Voici pour ma double légitimité, et pour l’occasion, et bien nous sommes un lundi de Pâques, donc l’occasion de taper sur les jours fériés (nous allons y venir) est rêvée, et puis ça dort dans ma chaumière, donc j’ai les quelques minutes qu’il me faut pour fulminer sur mon clavier plutôt que dans ma barbe ou auprès de ma chère et tendre.

Un chef d’entreprise donc, d’une PME de surcroît, mais un chef d’entreprise qui appréhende le mois de mai qui arrive avec 3 « ponts » sur 4 semaines. En gros, cela veut dire qu’on oublie le business en mai comme on l’oublie en août pour cause pause estivale, en décembre car on prépare les fêtes de fin d’année, et en janvier car nos clients clôturent leur année fiscale. Vous l’avez compris, je n’ose même pas m’aventurer dans l’idée de toucher aux sacro-saintes 35 heures, mais je propose un avatar plus « soft » et il me semble acceptable de l’augmentation du temps de travail qui consisterait en l’abrogation pure et simple de la majorité de nos jours fériés nationaux. A voir au cas par cas en fonction de leur puissance symbolique et de leur légitimité historique et sociale. Ou bien appliquons carrément la règle du hasard pour déterminer quels jours fériés sauteraient en instaurant un devoir de mémoire sous la forme d’une minute consacrée au rappel de l’histoire.
Petit calcul de coin de table : mettons que sur la petite dizaine de jours fériés français nous en récupérions 5 au titre de la relance solidaire, cela fait 1 semaine de gagnée sur environ 40 semaines de travail. Soit 2,5% de croissance du temps de travail. Mettons qu’après retraitement du manque à gagner du secteur tourisme – hôtellerie – restauration – transports – loisirs il nous en reste 2%, cela fait un supplément de 2% d’output en provenance directe de nos fonctions de production, donc potentiellement 2% de PIB en plus ! au prix d’une petite semaine supplémentaire de travail qui en plus pourrait avoir la fonction de dé-cloisonner notre mois de mai fichu. Je ne sais pas pour vous mais moi, les 2% de croissance supplémentaires, je les prends avec le sourire dans la conjoncture actuelle.
Poussons la logique jusqu’au bout : on pourrait imaginer qu’une telle mesure n’entre en vigueur pour l’année calendaire suivante que dès lors que la croissance du PIB de l’année passée soit inférieure à 3%. Une manière élégante, je pense, de manier la carotte et le bâton en responsabilisant toutes les parties prenantes du développement économique et social de notre pays.

Supprimer les jours fériés : mazo le Jérém’ ? Faisons parler les chiffres de la comparaison avec l’Allemagne, un voisin plus peuplé, à l’histoire récente plus complexe (la réunification…), avec plus de voisins, donc en apparence plus difficile à gouverner, mais qui réussit comparativement beaucoup mieux que nous. Le temps de travail moyen d’un employé à temps plein en France est le plus bas d’Europe et se chiffre à 1.679 heures, soit 224 heures de moins qu’en Allemagne. 224 heures ! Dit autrement, toutes choses égales par ailleurs, un salarié en Allemagne travaille chaque année 6 semaines de plus qu’un travailleur français.
Et si la réduction du temps de travail en Europe est une tendance lourde des réformes politiques et sociales de ces 15 dernières années, la France a réduit de 270 heures le temps de travail obligatoire entre 1999 et 2010, contre 124 heures pour l’Allemagne sur la même période. Pour faire simple, disons qu’on va deux fois plus vite que nos voisins allemands dans la mise en place de mesures visant à travailler moins.
A côté de cela, le ratio de rentabilité d’exploitation sur le chiffre d’affaires était en 2012 de plus de 6% outre-Rhin, contre 5,6% côté hexagonal. Soit 10% d’écart de performance entre nos entreprises en moyenne : c’est colossal. Pour rappel les Allemands travaillent environ 15% de plus (cf. nos 224 heures ci-dessus).

A l’heure où notre économie peine à se relancer, où le populisme gagne chaque jour du terrain, où le chômage atteint des sommets historiques sans que ne vienne poindre à l’horizon le moindre espoir d’une inflexion, où nous ne cherchons même plus à habiter le costume de « grande puissance moyenne » qui fut jadis le nôtre, il me semble que réhabiliter le travail dans sa forme la plus noble pour laisser à nos entreprises une marge d’investissement dans de nouveaux projets, à nos équipes le temps d’employer leur créativité à proposer de nouveaux produits ou services plutôt que de courir derrière la montre en permanence, aurait pour effet d’envoyer un signal, celui d’un effort de la population active pour une relance consciente de sa production en retrait face à la concurrence, de renforcer la crédibilité de la marque France aux yeux des investisseurs internationaux à la recherche des territoires les mieux positionnés pour participer aux échanges de demain et les mieux à même de les aider à s’insérer au mieux dans la mondialisation, et de créer immédiatement un surplus de valeur ajoutée qui se traduirait mécaniquement et instantanément dans nos indicateurs macroéconomiques. Le message serait « Nous, Français, ne sommes pas les fainéants que vous imaginiez. Nous avons des gens extraordinaires d’inventivité et de savoir-faire, et nous prenons soin de leur laisser le temps de réaliser leur potentiel !« .

1309-07[1]Je ne pense pas que ces quelques jours – une semaine de travail disions-nous – soient à même de porter atteinte à notre productivité, présumée élevée, a fortiori s’ils sont consacrés à la mobilisation des forces vives des entreprises et des collectivités autour de projets de transformation par le numérique, pour préparer les organisations à leurs réalités de demain.

Un jour quand je le pourrai, j’essaierai d’écrire sur la nécessité absolue d’ouvrir grand les vannes de l’immigration aux classes de travailleurs dont nous manquons le plus et de concevoir et mettre en oeuvre un véritable marketing de notre territoire auprès d’entrepreneurs, d’où qu’ils viennent : paradoxalement, l’immigration qualifiée est un vecteur majeur de création d’emplois.

Sources (par souci d’anticipation…) :

Coe-Rexecode sur la comparaison France / Allemagne des temps de travail à partir de données Eurestat 2012

Chiffres OCDE 2013 sur les temps de travail annuels dans un certain nombre de pays

Une étude de la BACH (Bank for the Accounts of Companies Harmonized) datant d’octobre 2014 sur la profitabilité des entreprises dans un échantillon de pays européens

L’urbanisation de la Chine: un enjeu… planétaire

2013-09-16 10.47.10

Shanghai, une vue du Bund – septembre 2013

Parmi les « méga-tendances » mondiales que sont l’efficacité ressources (lutte contre la dépendance énergétique, le changement climatique,…), l’alimentation et la santé, ou encore la globalisation, je pense que l’urbanisation de la Chine a toute sa place. Ayant passé un pourcentage à deux chiffres de mon temps en Chine cette dernière année, j’ai pu observer dans mes discussions à quel point la thématique de l’urbanisation suscite une écoute particulière.

Pour vous en convaincre, voici les ordres de grandeur que l’on entend communément sur l’urbanisation chinoise: en 1950, 13% de la population chinoise vivait en ville. En 2014, ce chiffre a bondi pour atteindre 55%. A cette allure, 1 milliard de Chinois vivront en ville en 2020. La Chine comptera alors plus de 220 villes de plus de 1 million d’habitants (contre 1 en France et 25 en Europe aujourd’hui…).

Ce mouvement massif d’urbanisation revêt des enjeux environnementaux, économiques, sociaux et politiques qui me semblent stratégiques pour le monde chinois mais pas seulement.
Des enjeux environnementaux car même si c’est moins pire qu’avant, les nappes phréatiques chinoises sont en majorité polluées, or il faudra approvisionner en eau potable ces zones urbaines, mais aussi sécuriser la filière alimentaire. La Chine fait déjà face à Beijing Tianjin ou Wuhan par exemple à des risques critiques de pénuries d’eau, de surcroît. D’autre part les néo-urbains seront autant de nouveaux consommateurs à l’heure où l’économie circulaire n’est pas la norme.
Des enjeux économiques car les marques – d’où qu’elles viennent – qui tireront profit au sens propre du terme des nouvelles attentes des habitants de ces nouveaux quartiers, qui sauront accompagner les nouveaux usages numériques ou non développés par la jeunesse chinoise, deviendront les leaders mondiaux de demain.
Des enjeux sociaux car il faudra bien les loger, ces masses urbaines, mais aussi faciliter leur mobilité, leur éducation,….
Des enjeux politiques enfin car la stabilité chinoise repose sur une équation délicate du point de vue du développement durable mêlant croissance économique, enrichissement, et amélioration de la qualité de vie (mesurée par la qualité de l’air, la santé,…).

On le mesure difficilement aujourd’hui, mais je suis persuadé que l’on touche à un enjeu majeur de la prochaine décennie, enjeu qui dépasse la République Populaire de Chine pour mobiliser partout dans le monde des énergies ayant vocation à rencontrer des partenaires chinois. Nous sommes à une époque charnière, en pleine transition, pleine de contradictions et d’opportunités – donc passionnante.

Pourquoi la France est une terre fertile pour investir en R&D

J’ai été interpellé par un article publié hier par le New York Times, Au Revoir, Entrepreneurs, qui raconte une histoire – un peu trop teintée de French Bashing à mon goût – d’un entrepreneur français parti s’installer à Londres car dégoûté des lourdeurs administratives, fiscales et sociales françaises, ainsi que de la morosité hexagonale. J’ai cofondé (au travers la même société, Emerald Vision SA, et avec la même équipe) Verteego il y a 6 ans, et Jolicharts il y a 2 ans. Nous avons investi en moyenne sur les 3 dernières années 83% de notre produit d’exploitation en R&D. Et ce n’est pas près de s’arrêter. Nous avons rapatrié des jobs d’ingénieur R&D de l’Inde vers la France grâce à la combinaison JEI + CIR + CII + présence d’une BPI France plus dynamique que jamais. Pourtant, nous pourrions exercer notre métier depuis partout dans le monde, et nous avons choisi Paris. En grande partie car pour moi, lorsqu’on choisit de ne pas passer trop de temps à s’occuper de ces mécanismes plutôt que de ses clients, la France est un véritable paradis fiscal pour les sociétés intensives en R&D. Discutons-en quelques instants. Pour reprendre l’article du NYT, Oui il est certain Londres est par rapport à Paris une ville plus importante et plus internationale, mieux insérée dans la mondialisation, qui attire plus de talents et d’investissements, mieux reliée au continent américain (pour des raisons linguistiques) comme au continent asiatique (pour des raisons migratoires), et de manière générale qui traite des volumes d’affaires plus importants que la place parisienne, qui pourtant fait plus qu’amende honorable à l’échelle européenne. Même si tout n’y est pas rose (notamment les salaires des développeurs, en raison de la concurrence des banques dont l’IT est l’usine), il est clair que Londres compte de nombreux atouts. Et Oui encore, ça va mal en France: depuis la création de l’euro en 1999, le PIB par tête a augmenté de 0,8% par an en France, contre 1,3% en Allemagne. Notre coût du travail était inférieur à l’Allemagne à l’époque, il lui est maintenant supérieur. Nos volumes à l’export représentaient 60% des volumes allemands, contre moins 40% aujourd’hui. Notre taux de chômage culmine à 11%, contre à peine plus de 5% outre-Rhin. Notre déficit public est de 57% du PIB, le taux le plus important de la zone euro. Et malgré les beaux discours la tendance n’est manifestement pas à la réduction du train de vie – donc des effectifs – des administrations de l’Etat. Quant au ‘choc de simplification’, on attend toujours: allez expliquer à un anglais qu’en France il existe 214 taxes, ou encore à un brésilien que la France compte 36.000 communes alors qu’au Brésil il y a 5.500 communes pour près de 6 fois plus d’habitants. Oui enfin, car c’est viscéral chez lui, le gaulois est critique, morose, râleur, railleur, jamais content, jaloux du succès des autres. Et l’on n’y changera rien. Ou pas rapidement. Donc Londres, pourquoi pas après tout. MAIS (car il y a plusieurs mais), en France, on a, quand on fait de la R&D et de l’export, des outils formidables à disposition du financement de sa croissance. – le statut de Jeune Entreprise Innovante, une sorte de label du Ministère de la Recherche, qui permet de bénéficier de charges sociales amoindries; nous en bénéficions moins significativement qu’avant mais cela nous a bien aidé à traverser les premières années jusqu’à atteindre le point mort en 2011; – le Crédit d’Impôt pour la Recherche, éventuellement combiné dorénavant au Crédit d’Impôt Innovation, qui permet de ‘récupérer’ grosso modo 30% de ses investissements en R&D, avec des délais de collecte tout à fait raisonnables (nous constatons entre 2 mois les bonnes années et 5 mois les années de demandes d’approfondissement, ça reste très correct pour l’administration fiscale). C’est un dispositif extraordinaire d’efficacité et de simplicité (un simple formulaire à remplir chaque année) et qui rend nos investissements exceptionnellement élevés en R&D viables du point de vue de nos actionnaires: ce n’est pas pour rien si Rakuten vient d’annoncer qu’il choisissait la France plutôt que le Luxembourg ou … Londres pour y implanter son centre de R&D; – la loi TEPA, dont nous avons bénéficié lors de nos 3 tours de financement auprès de 40 investisseurs et qui a facilité la défiscalisation partielle de leurs participations à nos augmentations de capital; – BPI France, la fameuse Banque Publique d’Investissement, machine de guerre au service des projets des entreprises devenue aujourd’hui le premier capital-investisseur d’Europe!, qui nous a financé sous la forme d’une subvention une étude de faisabilité technique immédiatement dès notre création, puis avancé à taux zéro une somme considérable au travers l’appel à projet gouvernemental Eco-Industrie pour bâtir le prototype de notre plateforme Verteego ensuite, puis alloué avec le CFI (voir ci-dessous) une enveloppe pour peaufiner la UX de Jolicharts; – le PEA PME, c’est tout nouveau mais l’idée est là. Et à Paris: – le Centre Francilien de l’Innovation (CFI), guichet unique des projets d’innovation, efficace et facilitateur de projets européens; – l’Agence Régionale de Développement Paris Ile-de-France, qui nous file un gros coup de main à l’export (décoration de notre stand au Brésil; mises en relation très qualifiées en Chine,…) – la Région elle-même, avec le dispositif PM’Up, qui comprend contrairement aux idées reçues très bien les contraintes et réalités des PME et prend à sa charge de manière souple et rapide une partie du BFR de vos projets d’accompagnement. Et pour exporter (nous sommes en plein dedans avec l’ouverture à suivre de nos filiales chinoise et brésilienne): – BPI France toujours, qui peut financer la capitalisation de vos filiales; – la COFACE, qui vous assure contre l’échec commercial à l’export! – Ubifrance, véritable prolongation mondialisée de vos efforts de prospection, à des tarifs imbattables; – Vivapolis, si vous travaillez sur le thème de la Ville Durable, la France au travers son Ministère du Commerce Extérieur vous aide même à vendre en meute partout dans le monde votre savoir-faire. Cela fait 30 ans qu’Allemands et Suédois font ça très bien, et comme on sait comment ça fonctionne, ça va produire des résultats très tangibles. Vous comprenez pourquoi je suis choqué de la diatribe du NYT, et de manière générale des entrepreneurs qui dénigrent la scène française. Même si dans le cas de l’entrepreneur de l’article du NYT qui ouvrait des centres dentaires à Marseille, il est certain que ce business low tech ne lui permettait pas de bénéficier du coup de pouce à la française à la technologie, la fameuse combinaison JEI + CIR + BPI France. Comme je l’avais dit aux Echos il y a quelques temps, sans cette combinaison nous serions sans doute ailleurs, mais ces dispositifs existent bel et bien, fonctionnent bien, donc je ne comprends pas comment le NYT parvient à écrire que les entrepreneurs disent au revoir à une France qui se plie en quatre pour augmenter les ressources en R&D de ses jeunes entreprises innovantes. Cela ne correspond pas du tout à la réalité. Chez Verteego et Jolicharts, nous disons mille fois merci aux technocrates à l’origine de ces mesures qui nous permettent aujourd’hui d’avoir une équipe formidable au quotidien, des clients fidèles qui nous emmènent chaque année plus loin dans leur intimité, et des projets de dépassement de nous-mêmes tant en matière de R&D&I que de développement au-delà de nos frontières. La réalité, c’est que ce sont les gros patrimoines qui fuient la France en raison d’une fiscalité trop élevée; et ça c’est bien dommage car cela dissipe à la concurrence du savoir-faire de haut niveau (souvent) et de la capacité d’investir (certainement). Et ça stigmatise encore plus ‘les riches’ alors que les riches sont justement une denrée rare. Et ça crée une pression improductive, force contraire de la fonction de réussir! La réalité, c’est que comme me l’a souvent dit l’un de nos actionnaires de la première heure, Jérémie Berrebi, il est plus facile en France de divorcer que de se séparer d’un salarié. L’Angleterre a fait pas loin de 3% de croissance de PIB au Q4 2013 contre même pas 1% pour la France: la faute à la frilosité des entreprises françaises à réembaucher pour suivre la reprise! C’est effectivement se tirer une balle dans le pied. On le sait. La réalité, c’est que la France ne sait pas progresser par petites touches en raison des nombreux micro-groupes d’intérêts qui abusent de leur fonction économique pour bloquer le pays à la moindre proposition de mesure qui toucherait à leurs intérêts immédiats. La France, peut-être par manque de talent de ses politiques, ne sait faire que dans la révolution, pas dans l’évolution. Bon alors bien sûr, le revers de la médaille est qu’en France plus qu’ailleurs, malheureusement, even dead sausages can fly! Il y a tellement d’aides que certaines sociétés en oublient de se focaliser sur la valeur ajoutée clients et utilisateurs pour chasser les primes et les prix: je les appelle les saucisses mortes mais quand même volantes. But this is another story.